Je savais pertinemment que le Père Noël était une ordure, mais il y a certaines limites qu'il ne faut pas franchir! D'abord tu me piques Carrie Fisher, puis, le lendemain tu te farcis sa maman, Debbie Reynolds. Et puis, alors que je me fais une bronzette auprès d'une piscine à Tenerife, mon bigophone se met à vomir au moment où plusieurs ami(e)s m'informent que la grande faucheuse a encore frappé...et cette fois, elle m'a frappé droit au coeur. La salope m'a piqué mon Roger, mon deuxième papa, le papa de Superjhemp, celui que j'avais rencontré à la fin des années 1970, au détour d'une avant-première de WAT HUET E GESOT?, réalisé par l'AFO pour lequel mon Roger avait dessiné quelques pubs.
Nous nous sommes compris d'une seconde à l'autre...nous sommes devenus amis et peu de temps après, mon Roger a commencé à dessiner des caricatures pour illustrer mes critiques de films dans le Tageblatt, puisqu'à l'époque, il était très difficile de se procurer des photos chez les distributeurs. Chaque jeudi, Roger me fournissait de ces trucs totalement dingues dont il avait le secret. Tout ce dont il avait besoin, c'était d'un ou deux mots-clés et il me surprenait à chaque fois avec ses dessins qui faisaient mouche et parfois très mal! À un point tel que l'un ou l'autre patron de cinéma en avait le hoquet, d'ailleurs. Je me souviens de ma critique pour le péplum porno de Tinto Brass et Bob Guccione, CALIGULA, qui passait - avec un certain succès - au Ciné Marivaux. Mes mots-clés à Roger étaient "Beurk!" et "alter Schinken", rien que ça. Et le résultat a donné de l'urticaire à Monsieur Freising, patron du Marivaux à l'époque. (Un grand merci à Paul Lesch du Centre National de l'Audiovisuel à Dudelange de m'avoir retrouvé le dessin alors que je suis en vacances.)
Donc avant même de rencontrer Lucien Czuga et de nous concocter le plus beau des superhéros luxembourgeois, mon Roger était mon complice au Tageblatt. Peu après, il a aussi illustré trois bouquins (hors commerce) que j'avais concocté pour la société financière pour laquelle je travaillais à l'époque. Et depuis, nous nous sommes croisés régulièrement à la Revue, au Bicheler Waffeldeeg, dans les librairies où il signait ses bédés où à Contern, bien sûr. Et bien évidemment, je me suis régulièrement retrouvé dans les pages de Superjhemp, la première fois en tant que Jhemp Tiltges, Hauskritiker de Andy Bauschansky dans le tout premier album je crois, et une dernière fois tout récemment, en conduisant une 4x4 marquée Hatari Publishing, rien que ça!
J'ai revu mon Roger il y a quelques semaines au Bicheler Waffeldeeg, où il croquignolait des dessins dans ses albums comme d'habitude. Il n'était pas vraiment dans son assiette et il nous a quittés très tôt ce jour-là. Mais depuis, on l'avait revu dans les librairies et ré-entendu sur les ondes de RT-Hell, comme si de rien n'était. Et puis, d'un coup, sans crier gare, mon Roger s'en est allé, juste comme ça, sur la pointe des pieds. Mon deuxième papa m'a quitté sans dire au-revoir, à un âge où d'autres commencent tout juste à se réjouir de leur retraite.
Mon Roger, ce ne sont pas des choses à faire aux copains, surtout quand ils se retrouvent à 4.000 kilomètres de Luxusbuerg, de Charel Kuddel et consorts. Je ne te reverrai donc plus, je n'entendrai plus tes vannes sarcastiques, je ne pourrai plus te présenter mes albums pour me dessiner un mouton. Ou une jolie demoiselle aux gros seins! Tu m'as fait mal, mon Roger, je te pleure sous le soleil de Tenerife. J'espère que t'as eu le temps d'emporter tes crayons! Tchao, Pantin!
Marie-Amandine
Jean-Pierre Thilges
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